La résiliation du bail rural en cas de départ de l’un des copreneurs mariés ou pacsés : dernières précisions de la Cour de cassation
Publié le :
07/11/2022
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Le bail rural est un contrat de mise à disposition de terres et de bâtiments, pour permettre au preneur d’exercer son activité agricole en contrepartie du paiement d'un loyer au bailleur.
Ce type de bail fait l’objet d’un régime juridique spécifique auquel s’ajoutent des mesures particulières telles que le droit au renouvellement accordé à l’agriculteur locataire. En effet, à la fin du bail rural dont la durée minimale est de 9 ans, le locataire peut renouveler la convention dans les mêmes conditions et pour la même durée.
Si le bail rural est conclu avec un couple où chacun est copreneur, en cas de départ de l’un d’eux, le conjoint, ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (Pacs) dispose de ce droit au renouvellement dès lors qu’il souhaite continuer l’exploitation des terrains agricoles (article L.411-46 du Code rural et de la pêche maritime).
Le propriétaire des terres agricoles peut cependant s’opposer au renouvellement du bail dans certaines situations, notamment s’il justifie de l'un des motifs graves et légitimes prévus par l’article L.411-31 du Code rural et de la pêche maritime, comme des agissements du preneur qui viennent à compromettre la bonne exploitation du fonds.
Dans une récente décision, la Cour de cassation s’est prononcée sur la possibilité pour le bailleur de résilier le bail rural, au motif que le départ d'un des deux copreneurs mariés ne lui a pas été notifié.
En l’espèce, un bailleur consent au renouvellement du bail rural au profit d’un couple d’agriculteurs mariés, dont l’époux est le successeur du titulaire d’origine du bail. Après trente ans d’exploitation des parcelles, le mari prend sa retraite, mais continue d’exploiter seul le fonds loué, puisque son épouse s’est entre-temps désolidarisée du bail.
Au décès du bailleur, les héritiers saisissent le Tribunal paritaire des baux ruraux afin de demander la résiliation du bail en plus du paiement de dommages-intérêts.
Ces derniers appuient leurs demandes sur le fait que lorsqu’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter le fonds dispose d’un délai de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom, conformément aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime.
Or, l’article L.411-31 II 1° du même Code précise que le défaut d’accomplissement de cette obligation d’information du propriétaire, issu de la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014, constitue un manquement qui permet au bailleur de demander la résiliation du bail rural.
La Cour d’appel rejette pourtant leurs prétentions, et constate que le bail consenti sur les parcelles aux preneurs a fait l’objet d’un renouvellement postérieur à la date du départ à la retraite de l’agriculteur exploitant seul les terrains agricoles. Les juges d’appel ont ainsi considéré que le bail s’était renouvelé de plein droit au seul nom du mari, et que la demande de résiliation du bail ne pouvait donc qu’être rejetée.
Un pourvoi en cassation est formé, mais la Haute juridiction suit le raisonnement des juges du fond. En effet, après avoir rappelé les dispositions de l’alinéa 2 de l’article L.411-46 du Code rural et de la pêche maritime citées en introduction, la Cour de cassation énonce que lorsque « le bail s’est renouvelé de plein droit au seul nom du copreneur qui a poursuivi l’exploitation, celui-ci ne peut être cessionnaire irrégulier du droit de son conjoint, ce qui exclut que son bail puisse être résilié pour manquement à l’obligation d’information du propriétaire en cas de cessation d’activité de l’un des copreneurs ».
Autrement dit, le bailleur ne peut résilier le contrat au motif que le copreneur de l’exploitation ne lui a pas été notifié du départ de son conjoint.
Références : Cass. civ. 3, 6 juillet 2022, n°21-12.833
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